Avec Harriet Andersson (Karin), Gunnar Björnstrand (David), Max von Sydow (Marin), Lars Passgard (Minus)
Encore un Bergman. Il faut dire que nous sommes en novembre 1988 et que je suis en plein milieu d'une grande rétrospective Bergman au cinéma St-André-des-Arts à Paris.
Le début de la décennie 1960 est marquée chez Bergman par des œuvres qui abordent le thème de la psychose (Le silence, Les communiants, Persona, L'heure du loup).
À travers le miroir est une œuvre magistrale qui atteint des abysses de dépression et de désespoir avec une performance homérique de Harriet Andersson que je rêvais de rencontrer en Suède, à l'été 2012. Harriet, à 80 ans, en train de siroter un café, seule, au fond d'un café d'Uppsala - pur moment de grâce dans mon imagination.
Le grand thème de ce film, c'est évidemment la schizophrénie. Où il appert que Dieu est un symptôme obligé de cette maladie mentale. Traverser le miroir dans ce cas-ci, c'est entrer dans un monde hallucinatoire où Dieu est présent mais qu'il peut aussi se transformer en araignée - moment d'horreur absolu.
L'autre thème important de ce film, c'est la culpabilité du père de Karin. Il se sent affreusement coupable de recycler du matériel biographique - la maladie de sa fille - en production littéraire. Ce personnage du père incarne la culpabilité de Bergman dont la carrière théâtrale et cinématographique a phagocyté sa vie familiale. Quatre épouses (on ne compte pas ses maitresses - la plupart des rôles principaux féminins de ses films) et sept enfants pendant la période qui précède ce film. Cette phrase de David, le père de Karin, qui résume cette culpabilité : "It makes me sick to think of the lives, sacrificed to my so-called art."
Luc Moullet des Cahiers du Cinéma devait dormir au gaz quand il a vu À travers le miroir : "Propos vagues sur Dieu et l'humanité, d'un niveau primaire assez provocant, photo atrocement terne, c'est du Wyler fatigué. L'accumulation des effets est indispensable à la réussite de Bergman (???); or ici, malheureusement, il reste très honnête et très simple." Cahiers du Cinéma numéro 135 de septembre 1962. L'art de passer complètement à côté d'un film.
En mai-juin 2011, au New York Theatre Worshop, ma jeune actrice préférée, Carey Mulligan (inoubliable dans Never Let Me Go), jouait le rôle de Karin, interprétée dans le film de Bergman par Harriet Andersson.
Critique. Cahiers du Cinéma. Novembre 1962. Numéro 137. Ouvert sur ces oiseaux uniques par Jacques Doniol-Valcroze.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org
Oscars 1962. Meilleur film en langue étrangère
Berlin 1962. Meilleur film selon International Catholic Organisation for Cinema
Visionné, la première fois, le 15 novembre 1988 au cinéma St-André-des-Arts à Paris
Mon 243ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 5 avril 2023