1001 films de Schneider : L'Avventura
Film italien réalisé en 1960 par Michelangelo Antonioni
Avec Gabrielle Ferzetti, Monica Vitti, Lea Massari, Dominique Blanchar, Renzo Ricci.
Bienvenue dans les années 60.
En parallèle avec la Nouvelle Vague française, le nouveau cinéma italien fait faire un bond en avant à l'histoire du cinéma. L'histoire du 7ème art procède par seuils. Pendant des années, tout le monde répète les mêmes formes pour illustrer les mêmes contenus puis, tout à coup, sans consensus pré-établi, de nouvelles formes apparaissent et les contenus sont dépoussiérés et traités sous un tout nouvel angle.
L'Avventura est seul en avant de l'avant-garde.
Le soir de la première au festival de Cannes de 1960, les spectateurs ont ri pendant toute la durée du film et l'ont hué copieusement à la fin. Monica Vitti sort de la projection en pleurs. L'équipe d'Antonioni est au désespoir. Mais au matin, Antonioni trouve à la porte de sa chambre une pétition de dizaines de personnalités du cinéma (acteurs, réalisateurs, critiques, producteurs) qui acclament le film en le qualifiant de plus grand film jamais réalisé jusqu'à ce jour. Le film devint rapidement reconnu comme étant un des grands chef-d'œuvre de l'histoire du cinéma.
Quand j'ai vu ce film, un soir, très tard, au ciné-club de Radio-Canada, je n'avais pas du tout le goût de rire. J'avais plutôt l'impression de mourir d'ennui. Les longs plans-séquences en noir et blanc étaient une vraie torture. (Des "méchants" ont inventé le terme "Antonioniennui".) De plus, à l'instar des spectateurs de Cannes, je ne comprenais pas vraiment l'histoire qui se déroulait à l'écran. Un sentiment de colère se développait en parallèle avec le déroulement de l'action, si on peut dire. Qu'est devenue le personnage principal (Anna) qui disparaît définitivement de l'écran à la 27ème minute (encore deux heures de film à venir) ?
Je ne crois pas qu'aucun réalisateur ait oser, à ce jour, conter une histoire qu'il abandonnait graduellement en cours de route et qui se terminait sans aucune référence à l'événement dramatique qui semblait le cœur de l'œuvre. J'eus l'impression qu'on avait abusé de ma bonne foi alors qu'Antonioni se tuait à nous montrer que la seule et vraie histoire du film résidait dans son illustration de l'impossibilité du couple.
En revoyant ce film plusieurs années plus tard, j'ai pu enfin me réconcilier avec lui.
En concentrant mon attention sur l'expérience amoureuse de Claudia, mettant ainsi en arrière-plan l'épiphénomène de la disparition d'Anna, j'ai découvert l'itinéraire amoureux d'une femme qui voit croître, dans la culpabilité, une passion amoureuse pour l'ex-amant de son amie. "Il y a trois jours j'avais peur qu'elle (Anna) soit morte. J'aurais pu mourir aussi. Maintenant, j'ai peur qu'elle soit vivante".
On reste estomaqué par la photographie des scènes sur l'île Lisca Bianca près de la Sicile, plus particulièrement les images du changement du temps. D'ensoleillée et calme, la mer devient houleuse sous l'orage et la tornade. Monica Vitti (que je préfère en brune, voir la scène où elle porte une perruque foncée) est une révélation dans les scènes sur l'île. Antonioni la révèle dans des plans qui montrent tout l'amour qu'il porte à son actrice préférée.
Tout le film se passe en Sicile. Antonioni s'amuse à souligner le caractère très machiste des Siciliens. On assiste à une émeute de mâles lors de l'arrivée d'une pin-up dans une petite ville. Plus tard, lorsque Claudia (Vitti) est seule sur une place d'un village alors que son amoureux Sandro (Ferzetti) est entré à la pharmacie, on voit graduellement un attroupement d'hommes qui la regardent de plus en plus près. Hitchcock s'est peut-être inspiré de cette scène pour montrer la montée d'angoisse de ses principaux personnages dans The Birds lorsque les oiseaux s'attroupent graduellement autour d'eux.
Critique : Cahiers du Cinéma. Novembre 1960. Numéro 113. Le Facteur rhésus et le nouveau cinéma par Jacques Doniol-Valcroze.
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Mis à jour le 11 janvier 2023