17 février 2007

19. Truffaut : Jules et Jim

1001 films de Schneider : Jules et Jim



Film français réalisé en 1962 par François Truffaut
Avec Jeanne Moreau, Oskar Werner, Henri Serre

Jules et Jim d'accord, je veux bien, mais, en fait, surtout Catherine, non?

La caméra et le Truffaut n'en ont que pour elle. Elle est le vrai tourbillon de la chanson du film.

Jeanne Moreau, déjà 34 ans, inonde le film de sa présence. Les deux acteurs masculins sont périphériques et on a l'impression qu'ils sont encore plus médusés par les qualités d'actrice de Moreau que leur personnage ne le sont par l'insaisissable Catherine.

La révolution de ce film repose sur une nouvelle approche du triangle amoureux. Nous étions habitués depuis belle lurette tant dans les films d'Hollywood que dans les films du cinéma français-à-papa à voir les compétiteurs du triangle s'entre-déchirer. Ici, l'amitié est plus forte que la compétition amoureuse. Les deux amis, Jules et Jim (il faut prononcer Djim), ne sont jamais en conflit au sujet de Catherine. Élégamment, ils cèdent à tour de rôle leur place dans le cœur de leur belle amoureuse.

C'est une nouvelle éthique amoureuse. C'est la Nouvelle Vague en marche. On ne réinvente pas seulement le cinéma mais aussi la vie.

Mais, à 20 ans, j'ai eu de la difficulté à entrer dans cette nouvelle éthique. Je me souviens que le personnage de Catherine m'avait mis en colère. J'avais de la difficulté à accepter qu'une femme puisse à ce point manipuler les sentiments amoureux de deux amis. Et l'amour libre pour une femme, comme pour le personnage féminin de la pièce de Strindberg que les deux amis détestent, était insupportable pour la morale conservatrice des jeunes provinciaux de Québec dont j'étais. En plus, je n'étais pas un fan de Jeanne Moreau dont je trouvais le visage trop vulgaire. J'étais encore marqué par le rôle de pute que Jeanne Moreau avait joué dans le film de Joseph Losey, Eva, que j'avais vu quelques années auparavant. Je préférais les beaux visages de "jeunes filles pures" de Catherine Deneuve (Les Parapluies de Cherbourg) ou de Claude Jade (Baisers volés, Domicile conjugal).

Jules et Jim étaient-ils gais ? Voilà une question de notre temps que je n'ai jamais vu aborder nulle part. Le seul indice du film : Jim raconte à Jules qu'il écrit un roman à propos de deux amis dont les voisins trouvent qu'ils ont des mœurs un peu spéciales. Serait-ce l'explication à leur tolérance mutuelle vis-à-vis l'amour qu'ils portent à Catherine qui, normalement, les ferait d'entre-déchirer?

Scène cocasse : Thérèse (Marie Dubois) qui fait le train à vapeur avec le bout allumé de la cigarette dans la bouche.

Une citation de Truffaut résume ce film : "Je commence un film croyant qu'on s'amusera pour me rendre compte, en chemin, que finalement seule la tristesse le sauvera"

Une brise des années 60 :
"Elle avait des bagues à chaque doigt,
Des tas de bracelets autour des poignets,
Et puis elle chantait avec une voix
Qui, sitôt, m'enjôla."
Le tourbillon, chanson de Cyrus Bassiak, interprétée par Jeanne Moreau.

Critique. Cahiers du Cinéma. Mars 1962. Numéro 129. Les Tourbillons élémentaires par Michel Delahaye.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma. Dans la liste des dix meilleurs films de l'année 1962

Visionné, la première fois, en 1967 à Québec
Mon 19ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 11 janvier 2023