Film suédois réalisé en 1968 par Ingmar Bergman
Avec Max von Sidow (Johann), Liv Ullmann (Alma), Erland Josephson, Georg Rydeberg et Ingrid Thulin.
Bienvenue dans la période la plus noire du cinéma de Bergman.
Un film-cauchemar, un film d'horreur, un film gothique avec des monstres, des démons et des vampires.
Isolé avec sa femme sur une île de la mer du Nord, on assiste à la lente désintégration psychologique d'un artiste-peintre. Sa peur de la nuit et son angoisse face à l'aube qui pourrait ne jamais arriver détruit progressivement tous ses repères avec la réalité.
Un monde parallèle s'échafaude; un monde hallucinatoire, cauchemardesque, habité par des aristocrates qui s'avèrent être, finalement, des démons et des monstres : Une schizophrénie en marche.
Axel Fridell, peintre suédois (1894-1935). Le Vieil antiquaire.
Ce tableau a inspiré Bergman pour plusieurs des scènes ésotériques du film.
Ce tableau a inspiré Bergman pour plusieurs des scènes ésotériques du film.
"L'heure du loup, c'est l'heure où la nuit fait place au jour, c'est l'heure où la plupart des mourants s'éteignent, où notre sommeil est le le plus profond, où nos cauchemars sont les plus réels. C'est l'heure où celui qui n'a pu s'endormir affronte sa plus violente angoisse, où les fantômes et les démons sont au plus fort de leur puissance." Tiré du "pressbook" du film. (Cahiers du Cinéma d'août 1968, numéro 203)
"L'heure du loup" : J'ai toujours beaucoup aimé parler de cette expression lors de conversations qui touchaient aux rapports que nous avons avec la nuit. Elle crée un petit effroi dans le cercle des auditeurs parce qu'elle nous renvoie invariablement aux grandes angoisses qui sommeillent (si je puis utiliser cette expression) en nous.
L'angoisse qui monte chez l'insomniaque qui sent l'aube approchée sans avoir encore fermer l'œil est une épreuve difficile à soutenir. Elle mène souvent à l'épouvante. Cette épreuve que Bergman a souvent éprouvée au cours de sa vie, il réussit à la traduire parfaitement dans son film.
Mes scènes préférées : les moments qui précèdent l'aube où l'on voit Johan rongé par l'angoisse, au bord de la crise psychotique et Alma qui tente de ne pas sombrer à son tour dans l'abime. Une scène, en particulier, est troublante tant elle est anxiogène : l'éternité que représente le passage d'une minute.
L'acteur Georg Rydeberg, sosie de Bela Lugosi (le plus célèbre vampire de l'histoire du cinéma) incarne à la perfection un vampire.
Dans le numéro des Cahiers du Cinéma d'août 1968, il y a un très long entretien avec Ingmar Bergman autour de L'Heure du loup, intitulé La mort à chaque aube. Entre autres choses, il explique sa pratique "déconstructiviste" dont j'ai parlée dans un texte précédent (60. Anderson : If). Il fait remonter cette technique à Un Été avec Monika (1953), film-phare pour les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague.
Il s'agit de créer chez le spectateur une ambivalence : dès qu'il s'identifie à l'action ou aux personnages du film, on le replonge dans sa réalité de spectateur de cinéma en mettant sur l'écran des images ou des sons qui lui montrent qu'on est en train de fabriquer un film. Bergman: "J'ai découvert qu'un film ne souffre absolument pas de ce que l'on brise l'illusion, de ce que l'on contrarie la disposition des gens à se laisser illusionner pour les renvoyer face au cinématographe. C'est excellent de réveiller le public un bon coup, pour ensuite le plonger à nouveau dans le drame. Pour cette même raison, je répète le titre, "L'heure du loup", au milieu du film."
Pas le meilleur film pour s'initier à l'œuvre de Bergman. Allez voir plutôt du côté de Le Septième sceau, Les Fraises sauvages ou bien La Source. Mais, évidemment, ce qui est le plus passionnant c'est de s'attaquer à l'intégrale Bergman en suivant la progression chronologique de la production.
J'ai déjà trois intégrales Bergman à mon crédit. La première (une mini-intégrale de 20 films), à jamais tatouée sur mon cœur, a eu lieu au cinéma St-André-des-Arts sur la rue du même nom à Paris à l'automne 1988, lors d'une période sabbatique passée à Paris. La deuxième, plus prosaïquement, chez-moi à Montréal, en format DVD et VHS, à l'automne 2005. Puis une troisième, avec un copain, la vraie intégrale de 43 films, entre 2020 et 2022.
Critique. Cahiers du Cinéma. Juin-Juillet 1968. Numéro 202. Par Jacques Aumont
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org
Visionné, la première fois, le 17 octobre 1969 à la télévision à Québec
Dans l'actualité du Jour : "Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher, France). Fusion de 50 kg d'uranium lors d'une opération de chargement du réacteur graphite-gaz Saint-Laurent 1 (480 MW). La contamination serait restée limitée au site. Plus d'un an de réparations." En cette période où les grands vilains sont les gaz à effet de serre, ne pas oublier le piège peu médiatisé du nucléaire.
Mon 62ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 18 janvier 2023