Film français réalisé en 1959 par Alain Resnais
Avec Emmanuelle Riva et Eiji Okada
"Pourquoi nier l'évidente nécessité de la mémoire" Nevers (Emmanuelle Riva)
Alors donc, plongée dans ma biographie, puisque c'est l'incantation de ce film.
Deux paliers dans cette plongée : d'abord en profondeur au niveau de 1960 puis remontée au palier intermédiaire de l'automne de 1973.
Palier 1960
Le Québec commence à peine, depuis la mort du populiste Maurice Duplessis, premier ministre du Québec, à sortir de la période connue sous le nom de la "grande noirceur". (exemple de cette noirceur: Les enfants du paradis de Marcel Carné, interdit de distribution au Québec).
J'avais 13 ou 14 ans, on allait présenter au Ciné-club de fin de soirée de Radio-Canada, Hiroshima, mon amour. Grand émoi dans les journaux : comment la société d'état pouvait-elle présenter, même à une heure tardive, un film qui montrait, en toute impunité, l'amour libre.
Grand émoi dans la famille aussi, quand mon père, grand catholique pratiquant, membre de l'Ordre de Jacques-Cartier (regroupement clandestin canadien-français voué à la défense de la langue française et de la religion catholique au Québec) décide de regarder, seul, cette œuvre à la réputation sulfureuse (le dos nu de Riva, caressé par les mains de son amant, suffisait, à cette époque, au Québec, pour faire classer le film AR, i.e. adultes avec réserve). Que mon père y cherchait-il ?
Grand plaisir, pour moi, de trouver enfin, chez mon père, une faille dans son orthodoxie Patrie-Famille-Travail et, pour faire le compte, Religion. Je n'allais plus jamais voir mon père de la même manière à partir de ce jour. Malheureusement, plaisir qui dura peu, puisqu'il allait mourir 4 ans plus tard, quelques jours après avoir terminé la lecture d'un roman que je lui avais prêté, La Puissance et la gloire de Graham Greene (caméo dans le film La nuit américaine). Suggestion qui faisait partie de mon entreprise de sapage des fondations de ses valeurs catholiques.
Palier automne 1973
Avec Tomiko, mon amour de l'automne 1973, originaire de Nagasaki (ça ne s'invente pas), on regarde, à la télé, dans mon meublé cradingue en face du parc Lafontaine sur la rue Sherbrooke à Montréal, Hiroshima, mon amour; ahuris de retrouver de telles similitudes avec ce couple eurasiatique : la soudaineté d'une rencontre des plus hasardeuses (à la sortie de la gare de Cordoba en Espagne) et dont l'espérance de vie se mesure en jours tant le passé est têtu à tracer des routes divergentes.
Nevers (Emmanuelle Riva) : "Il est probable que nous mourrons sans nous être jamais revu"
25 novembre 1973, aéroport de Montréal, Tomiko prend le vol Montréal-Paris-Tokyo.
Je ne l'ai jamais revue depuis.
Alors, si j'aime Hiroshima, mon amour? Un amour immense...comme cette photo de la Riva.
À propos du titre
Un écrivain rigolo, dont j'ai oublié le nom, a fustigé le titre du film : "Après avoir tourné Hiroshima, mon amour, pourquoi pas tourner Auschwitz, mon coco ?"
Titres oxymores. Exemple d'un oxymore : un silence assourdissant
1. Hiroshima, mon amour
Tout le film est fondé sur cette figure de style : "Tu me tues, tu me fais du bien", "Je te mens, je te dis la vérité"
2. Paris, Texas de Wim Wenders
3. Kiss Me Deadly de Robert Aldrich
4. Hell in the Pacific de John Boorman
5. True Lies de James Cameron
Festival de Cannes de 1959 : À qui va la palme d'or? À Hiroshima, mon amour, bien sûr, non? alors à Truffaut pour Les Quatre cents coups. Non plus? Mais, diantre, quel chef-d'œuvre coiffe ces deux productions au poteau? L'ineffable Orfeu negro, cette bluette exotique, de Marcel Camus (mais qu'a-t-il fait d'autre de marquant, celui-là?). La mâchoire m'en tombe comme celle de Jim Carrey dans Le Masque lorsqu'il se retrouve face à Cameron Diaz.
Critique. Cahiers du cinéma. Juillet 1959. Numéro 97. Table-ronde au sujet de Hiroshima, mon amour. Lumineux. Participants : Éric Rohmer, Jean-Luc Godard, Pierre Kast, Jacques Rivette, Jacques Doniol-Valcroze. Excusez du peu!!! (221 films réalisés entre eux).
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org
Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1959
Cannes 1959. Prix de la Critique internationale
Visionné la première fois le 14 novembre 1973 à la télévision à Montréal
Mon 103ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 26 janvier 2023