1001 films de Schneider : Cabaret
Film américain réalisé en 1972 par Bob Fosse
Avec Liza Minnelli, Michael York, Helmut Griem, Joel Grey
La scène du "biergarten".
La scène du "biergarten".
Une des plus belles, des plus poignantes, des plus terrifiantes séquences qu'il m'ait été donné de voir dans toute ma carrière de cinéphile. Depuis 33 ans, quand je repensais à Cabaret ce n'était pas à Liza Minnelli, pourtant fabuleuse, que je repensais, ni aux séquences musicales du cabaret mais à cette chanson patriotique, montée en crescendo, qui m'avait à l'époque complètement bouleversée.
Que je n'aie jamais cherché à revoir cette séquence depuis 1975, demeure, aujourd'hui, après avoir revu cette séquence une dizaine de fois, un curieux mystère.
Oliver Collignon, le jeune nazi qui interprète (en fait, mime) le chant à la gloire de la renaissance vindicative de l'Allemagne, est troublant. D'angélique à démoniaque en trois minutes; une parenté certaine avec les jeunes blonds criminels de Funny Games U.S. de Michael Haneke. "Il y a quelque chose qui circule et qui n'a pas de nom, qui semble naître de la beauté même du soleil, mais qui est la force écrasante du mal." Michel Chion. Cahiers du cinéma. #339. Septembre 1982.
Si j'éprouve tant de terreur à voir cette séquence c'est parce que l'on connaît la suite de la chanson. Cette chanson se poursuit d'abord dans Le triomphe de la volonté (1935) de Leni Riefenstahl puis dans le roman Les Bienveillantes de Jonathan Littell.
Oh Fatherland, Fatherland,
Show us the sign
Your children have waited to see.
The morning will come
When the world is mine.
Tomorrow belongs to me!
Toute cette séquence est bâtie sur le mode crescendo : le texte passe du bucolique au vindicatif; la chanson, d'abord chantée a cappella, se termine par un accompagnement orchestral complet. La structure filmique appuie ce crescendo par l'inclusion de plans qui viennent souligner le caractère revendicateur de ce chant patriotique.
Que je n'aie jamais cherché à revoir cette séquence depuis 1975, demeure, aujourd'hui, après avoir revu cette séquence une dizaine de fois, un curieux mystère.
Oliver Collignon, le jeune nazi qui interprète (en fait, mime) le chant à la gloire de la renaissance vindicative de l'Allemagne, est troublant. D'angélique à démoniaque en trois minutes; une parenté certaine avec les jeunes blonds criminels de Funny Games U.S. de Michael Haneke. "Il y a quelque chose qui circule et qui n'a pas de nom, qui semble naître de la beauté même du soleil, mais qui est la force écrasante du mal." Michel Chion. Cahiers du cinéma. #339. Septembre 1982.
Si j'éprouve tant de terreur à voir cette séquence c'est parce que l'on connaît la suite de la chanson. Cette chanson se poursuit d'abord dans Le triomphe de la volonté (1935) de Leni Riefenstahl puis dans le roman Les Bienveillantes de Jonathan Littell.
Oh Fatherland, Fatherland,
Show us the sign
Your children have waited to see.
The morning will come
When the world is mine.
Tomorrow belongs to me!
Toute cette séquence est bâtie sur le mode crescendo : le texte passe du bucolique au vindicatif; la chanson, d'abord chantée a cappella, se termine par un accompagnement orchestral complet. La structure filmique appuie ce crescendo par l'inclusion de plans qui viennent souligner le caractère revendicateur de ce chant patriotique.
La séquence est constituée de 41 plans.
Les 13 premiers plans soulignent le caractère "bon enfant" de la mélodie avec quelques gros plans sur le visage poupin du chanteur.
14ème plan : Gros plan sur le visage colérique du chanteur.
À partir de ce moment, tout bascule.
Les plans suivants nous montrent plusieurs gros plans de personnes (deux jeunes filles particulièrement) hurlant les mots de la chanson. L'arrivée de ces personnes, par le bas, dans le champ de la caméra accentue la violence de la scène.
Le salut nazi du chanteur, au 37ème plan, marque le point culminant de cette scène ; on sent que la terrible unanimité derrière le grand mouvement populiste est atteinte. La machine est en marche, rien ni personne ne l'arrêtera.
Bon, maintenant, toute la vérité sur cette chanson :
Tomorrow Belongs To Me a été composée, spécifiquement pour le film, par John Kander et Fred Ebb dans le plus pur style des chants nazis pour la jeunesse. Ceci n'enlevant rien à la charge émotive vécue dans la séquence de l'auberge parce qu'il est impossible de croire qu'elle n'est que fictionnelle.
Chemin de traverse québécois
"À partir d'aujourd'hui, demain nous appartient"
Chanson-thème du Parti Québécois pour la campagne électorale des élections de novembre 1976 lors desquelles il devint le premier parti indépendantiste à accéder à la direction de l'État québécois.
Des esprits chagrins ou malicieux de la communauté anglophone (qu'on appelle maintenant les angryphones (note de 2023)) ont outrageusement fait un parallèle entre ce slogan publicitaire et un hypothétique hymne de la jeunesse hitlérienne (à moins qu'ils n'aient cru comme tous les spectateurs de Cabaret que Tomorrow Belongs To Me fut vraiment un hymne nazi), dans le but évident de dévaloriser le projet indépendantiste québécois en y accolant les horreurs totalitaires nazies.
On verra apparaître à nouveau ce type de tactique de bas étage lors des référendums de 1980 et de 1995 (référendums qui demandaient au Québécois de donner un mandat au gouvernement du Québec afin d'entamer des négociations avec le gouvernement canadien pour son accession à la souveraineté), l'approche sera différente mais tout aussi odieuse lorsqu'un caricaturiste d'un hebdo culturel anglophone de Montréal associa Jacques Parizeau (alors premier ministre du Québec) et Lucien Bouchard (alors chef du Bloc québécois au parlement canadien), les leaders de la campagne en faveur de la souveraineté du Québec, aux membres du Ku Klux Klan en les affublant du sinistre drap blanc.
Un grand merci à Bob Fosse pour avoir démoli le modèle de la comédie musicale en cannes de bonbon.
L'origine de tout ça : Berlin Stories de Christopher Isherwood.
Son livre a été transposé d'abord au théâtre par John van Druten sous le titre I Am a Camera, en 1951, puis repris, sous le même titre, en 1955, au cinéma par Henry Cornelius. Puis il fit l'objet d'une comédie musicale, sous le titre de Cabaret, qui fut montée pour la première fois en 1966, à Broadway, dans une mise en scène d'Harold Prince. Et enfin, Bob Fosse arriva.
Critique. Cahiers du Cinéma. Septembre 1982. Numéro 339. La comédie musicale rêve au réalisame par Michel Chion. À propos de la scène de l'auberge : " il y a quelque chose qui circule et qui n'a pas de nom, qui semble naître de la beauté même du soleil, mais qui est la force écrasante du mal. "
Oscar 1973 : Huit statuettes contre 3 seulement pour The Godfather (surprenant, non ?). Bob Fosse, réalisateur, Liza Minnelli, actrice et Joel Grey, acteur de soutien, caméra, décor, son, montage, chanson originale.
Visionné la première fois le 13 septembre 1975 au cinéma à Montréal
Mon 111ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 février 2023